Utilisée par les ténors de la Silicon Valley et les plus grands groupes mondiaux, JFrog a levé pas moins de 509 millions de dollars lors de son IPO en septembre dernier. Le point sur sa stratégie.
Le 16 septembre 2020, l’israélien JFrog crée la surprise en entrant au Nasdaq. Premier acteur du DevOps à passer la porte des marchés financiers, il parvient à lever pas moins de 509 millions de dollars, contre les 428 millions visés initialement. Un véritable coup de force dans ce secteur méconnu du grand public. Le potentiel est bien là. Selon Global Market Insights, le marché du DevOps qui représentait déjà 4 milliards de dollars en 2019 va croître de 20% chaque année jusqu’en 2026 pour atteindre 14,3 milliards de dollars. Auparavant, JFrog avait déjà pu lever un total de 226 millions de dollars depuis sa création en 2008. Parmi ses clients historiques figurent les grands acteurs de la Silicon Valley. Au premier rang desquels les GAFAM, mais aussi Atlassian, Netflix, Oracle, Slack ou VMware. Depuis, JFrog s’est étendu à beaucoup d’autres secteurs : l’automobile, le retail, les médias, les télécoms… (voir les références sur son site).
« Au-delà du build et de la release de logiciels, l’enjeu du DevOps est d’accélérer les mises en production d’applications et des mises à jour, avec à la clé une gestion continue de la cybersécurité, tout en donnant la possibilité de déployer quel que soit l’environnement », commente Shlomi Ben Haim.
Un hub pour dev et ops
Le cœur de la plateforme JFrog n’est autre qu’un gestionnaire d’artifacts universel et open source. Baptisé JFrog Artifactory, il centralise les composants applicatifs qu’ils soient sous forme de packages logiciels, d’images de container ou de charts ciblant Kubernetes. Les principaux langages sont supportés : C#, C++, Java, PHP, Python…
« Notre plateforme automatise la gestion de versions et permet de faire des retours en arrière à tout moment »
« JFrog Artifactory est conçu comme un hub, accessible aussi bien aux dev qu’aux ops, et supportant toute la chaîne du DevOps », explique Shlomi Ben Haim, cofondateur et CEO de la société. Et Fred Simon, cofondateur et chief data scientist de JFrog de souligner : « A la différence des GitHub ou GitLab qui gèrent les dépôts de codes sources, Artifactory est centré sur les fichiers binaires (souvent compilés, ndlr). C’est dans son ADN. Notre plateforme automatise la gestion de leur versionning et permet de faire des retours en arrière à tout moment si besoin. »
A ce socle viennent s’ajouter plusieurs briques. JFrog Xray analyse le code des artéfacts pour y détecter les éventuelles failles de sécurité. Il décrypte la structure du programme et les dépendances existantes au sein du code source en vue d’anticiper leur impact. En aval, JFrog Distribution orchestre le déploiement des composants logiciels tous systèmes confondus : cloud public, cloud privé et autres serveurs internes, edge, etc.
Pour accélérer ses développements, JFrog s’est lancé dans une stratégie de croissance externe. En 2017, il s’offre CloudMunch, une solution de business intelligence taillée pour superviser les process de DevOps et suivre leurs indicateurs clés de résultat. Dès son intégration technique finalisée, elle sera rebaptisée JFrog Insight. En 2018, JFrog met la main sur Shippable et son environnement d’intégration et de livraison continue (CI/CD). L’outil a déjà été en partie porté sur JFrog Artifactory.
AWS, Azure et Google Cloud
En parallèle, JFrog n’a eu de cesse de bâtir des passerelles vers d’autres outils de DevOps : les principales plateformes Git (GitHub, GitLab et Bitbucket), des outils d’observabilité (Datadog, ElasticSearch, Splunk), de test (SonarSource)… L’objectif est double : couvrir au mieux toutes les étapes du DevOps sans laisser de trous dans la raquette d’une part, laisser aux clients la liberté de choisir des outils tiers d’autre part. Un positionnement qui, in fine, évite le vendor lock-in.
« Nous envisageons d’étendre notre couverture à des providers européens et asiatiques »
La plateforme est commercialisée à la fois en mode on-premise (installation locale) et sous la forme d’un service cloud managé. En vue de répondre aux problématiques multicloud, ce dernier est disponible aussi bien sur AWS que Microsoft Azure et Google Cloud Platform. Sa localisation couvre au total sur 26 régions cloud. « Nous envisageons d’étendre notre couverture à d’autres providers européens et asiatiques », confie Shlomi Ben Haim qui évoque Alibaba Cloud, Baidu ou OVHCloud.
En parallèle de sa croissance organique, JFrog compte poursuivre sa croissance externe. « Nous serons notamment attentifs aux opportunités de rachats dans le DevSecOps pour compléter JFrog Xray ou encore dans le déploiement continue pour renforcer JFrog Pipeline », indique Shlomi Ben Haim. Autre domaine ciblé : l’IoT. Un marché en pleine explosion qui représentait déjà 212 milliards de dollars en 2019 selon Statista. « Les objets connectés sont très consommateurs en binaires », rappelle le CEO de JFrog. Fred Simon de rappeler : « Notre plateforme permet déjà de pousser des firmware sur des flottes d’objets connectés. » JFrog a d’ailleurs déjà réalisé une acquisition touchant ce domaine. En 2016, l’éditeur a mis la main sur Conan, un gestionnaire open source de packages C / C++, les deux langages parmi les plus utilisés sur le front des capteurs et device IoT comme en témoigne la 2020 IoT Developer Survey de la fondation Eclipse.
Pour l’heure, JFrog compte 700 salariés répartis dans 14 pays et 10 implémentations à travers le monde, dont une en France (à Toulouse). Revendiquant des millions d’utilisateurs, la société affiche 58 000 clients dont 75% du Fortune 100 et plusieurs centaines en France. Suite à son IPO, JFrog a publié pour la première fois des résultats trimestriels le 4 novembre dernier. Sur juillet, août et septembre 2020, il enregistre un chiffre d’affaires en hausse de 38,9 millions de dollars, en hausse de 40% sur an, et une perte de 5 millions de dollars, en baisse dans le même temps de 67%.
Source : Antoine Crochet-Damais journaldunet.com